EXPLICATION DE LA CHANSON DJAJDA D’AYA NAKAMURA
Nommée aux dernières Victoires de la musique dans la catégorie » Meilleure chanson de l’année « , » Djadja » de Aya Nakamura est un instantanée de l’époque et fait le point sur l’empowerment des filles aujourd’hui. C’est une vraie chanson dans la tradition du » girl power » avec cette particularité linguistique assez troublante : la jeune chanteuse – qui écrit ses textes – invente une langue, s’aventure dans les néologismes et projette un vocabulaire complètement inattendu que l’on écoute avec beaucoup de curiosité.
Aya Nakamura a 23 ans, sa famille est d’origine malienne, pur produit de la génération Twerk-Secret Story-Reines du shopping, son tube » Djadja » fait le tour du monde – des Pays-Bas à l’Afrique. Le clip aligne au compteur près de 300 millions de vues sur YouTube et le texte commence avec un personnage féminin – qui s’appelle Aya Nakamura – qui apostrophe un garçon :
» Hello papi. Mais ché passa ? « Et elle lui demande des comptes : » J’entends des bails atroces sur moi (des » bails « , en argot des cités, c’est des trucs, des choses) A c’qui paraît, j’te cours après ? Mais ça va pas. Mais t’es taré, ouais. Mais comment ça, le monde est tipeu ( » tipeu « , c’est petit en verlan). Tu croyais quoi ? Qu’on se verrait plus jamais ? J’pourrai t’afficher mais c’est pas mon délire ( » je pourrais t’afficher « , c’est-à-dire je pourrais le dire à tout le monde, je pourrais te dénoncer). D’après les rumeurs, tu m’as eu dans ton lit. «
L’intérêt de la chose pour Aya Nakamura, c’est d’explorer l’oralité du langage de la rue et de le faire swinguer – de façon imparable – sur des sons qui mixent zouc, R&B et Afrique. Avec un propos de guerrière qui n’a pas peur de se mesurer à la parole d’un homme qui dit avoir couché avec elle – alors que c’est faux, réfutant l’idée qu’elle puisse être un trophée – ou que n’importe quelle fille puisse être un objet sexuel ( » tu m’as eu dans ton lit « ). Et elle poursuit la mise au point, devant ce macho qui ne lui fait pas peur :
» Oh Djadja. Y’a pas moyen, Djadja. J’suis pas ta catin, Djadja. Genre en catcha-na baby, tu dead ça. « Aya Nakamura invente des mots et des tournures de phrases, passant par l’emprunt et l’anglicisme…
» Djadja » , c’est un mot plutôt péjoratif qu’elle invente pour remplacer le nom de la vraie personne qui lui a fait le coup – parce que c’est une histoire qui lui est vraiment arrivée – et elle utilise ce mot » Djadja » comme un synonyme de » menteur « .
» Y’a pas moyen « , ça veut dire » aucune chance que tu puisses coucher avec moi, oublie « .
» J’suis pas ta catin » : on remarquera la réactivation par les jeunes générations de ce mot un peu archaïque – » catin » – pour dire » salope « .
» J’suis pas ta catin, Djadja. Genre en catcha-na baby, tu dead ça. « Et là, l’énigme s’épaissit… » Je suis pas ta catin en position de la levrette que tu ferais de la mort qui tue « … » catchana baby « , c’est une position sexuelle.
» tu dead ça « : » tu le fais de la mort qui tue «
Cette fille a ouvert devant elle un champ lexical des plus – pour certains – tarabiscoté – pour d’autres – vachement inspirant… Inspirant dans la mesure où le personnage féminin de » Djadja » prend le pouvoir par les mots. Des mots qui n’appartiennent qu’à elle, qui font sa singularité et sa force.
» Djadja » parle une langue nouvelle, qui serait peut-être la langue des nouvelles amazones urbaines, des nouvelles égéries post-féministes qui font l’apologie de la puissance…
» Tu penses à moi, je pense à faire de l’argent. Tu parles sur moi, y’a R. Crache encore. Y’a R « … Lui, pauvre type, il pense à se la taper. Elle, n’en a rien à foutre, elle pense à faire du business.
Enfin, dernière la trouvaille linguistique : » y’a R « , ce » R » est le diminutif un peu fainéant de » Rien « . » Y’a R « , ça veut dire » Y’a rien « .
Paroles
Hello papi, mais qué pasa (mais qué pasa)
J’entends des bails atroces sur moi
À c’qu’il paraît, j’te cours après (oh yeah yeah yeah)
Mais ça va pas, mais t’es taré, oh ouais
Mais comment ça, le monde est tit-pe (eh)
Tu croyais quoi (eh), qu’on s’verrait plus jamais
J’pourrais t’afficher mais c’est pas mon délire
D’après les rumeurs, tu m’as eu dans ton lit
Oh Djadja (oh Djadja)
Y a pas moyen Djadja (y a pas moyen Djadja)
J’suis pas ta catin Djadja, genre, en catchana baby, tu dead ça
Oh Djadja (Djadja)
Y a pas moyen Djadja (Djadja)
J’suis pas ta catin Djadja, genre, en catchana baby, tu dead ça
Tu penses à moi, je pense à faire de l’argent
J’suis pas ta daronne, j’te ferais pas la morale
Tu parles sur moi, y a R (y a R)
Craches encore, y a R (y a R)
Tu voulais m’avoir, tu savais pas comment faire (comment faire)
Tu jouais un rôle, tu finiras aux enfers
« T’façon Nakamura, je l’ai couchée » (couchée)
Le jour où on se croise, faut pas tchouffer
Tu jouais le grand frère pour me salir
Tu cherches des problèmes sans faire exprès
Putain, mais tu déconnes
C’est pas comme ça qu’on fait les choses
Putain, mais tu déconnes (oh yeah)
C’est pas comme ça qu’on fait les choses
Putain, mais tu déconnes
C’est pas comme ça qu’on fait les choses
Oh Djadja (oh Djadja)
Y a pas moyen Djadja (y a pas moyen Djadja)
J’suis pas ta catin Djadja, genre, en catchana baby, tu dead ça
Oh Djadja (Djadja)
Y a pas moyen Djadja (Djadja)
J’suis pas ta catin Djadjan genre, en catchana baby, tu dead ça
Oh Djadja (oh Djadja)
Y’a pas moyen Djadja (y a pas moyen Djadja)
J’suis pas ta catin Djadja, genre, en catchana baby, tu dead ça
Oh Djadja (Djadja)
Y a pas moyen Djadja (Djadja)
J’suis pas ta catin Djadja, genre, en catchana baby, tu dead ça (yeah yeah yeah)
Oh Djadja
J’suis pas ta catin Djadja, nan
Y a pas moyen Djadja, ouais
En catchana baby, tu dead ça
Oh Djadja
J’suis pas ta catin Djadja, nan
Y a pas moyen Djadja, ouais
En catchana baby, tu dead ça d’après toi
En catchana baby, tu dead ça
En catchana baby
En catchana baby, tu dead ça
En catchana baby
Oh Djadja
Oh Djadja
Oh Djadja
J’entends des bails atroces sur moi
Dans le langage courant, on parle de « bails » pour désigner des choses, des trucs sans vraiment les nommer. Elle dit en fait entendre des choses atroces sur elles.
Mais ça va pas mais t’es taré ouais
Ici, beaucoup de langage qu’on utilise à l’oral et de tics de langage et pour le mot « taré » qui est peut-être inconnu pour vous, c’est une façon familière de désigner quelqu’un de fou.
Mais comment ça le monde est ti-pe
Le verlan pour rappel c’est un type d’argot utilisé notamment par les jeunes et qui consistent à inverser les syllabes d’un mot.
Tu croyais quoi? qu’on s’verra plus jamais. J’pourrais t’afficher mais c’est pas mon délire
Plusieurs choses ici. La première : J’pourais t’afficher.
Afficher quelqu’un. Qu’est-ce que ça veut dire ? Afficher quelqu’un, c’est montrer la véritable personnalité de quelqu’un au public.
Par exemple, elle parle ici de quelqu’un qui lui a menti et elle dit « J’pourrais t’afficher », c’est-à-dire je pourrais montrer à tout le monde comment tu es réellement parce que moi je sais comment tu es vraiment.
Deuxième chose : c’est pas mon délire est une expression pour dire « ce n’est pas mon truc » ; « ce n’est pas mon genre » ; « ce n’est pas moi » ; « ce n’est pas quelque chose que je ferais ».
Une des choses que vous me dites souvent et qui est très difficile afin de comprendre le français c’est ça.
En France, on aime tellement manger qu’on mange même les mots ! C’est vrai qu’on le fait beaucoup à l’oral et ça peut être alors plus compliqué pour comprendre ce que dit quelqu’un. Comment faire pour comprendre ?
Pas de secret, il faut habituer votre oreille et écouter beaucoup de contenu en français. Attention il faut écouter du français authentique.
Oh Djadja y’a pas moyen ah Djadja
Djadja : selon la chanteuse : C’est un mec, un homme qui va raconter des salades, des mensonges sur une fille. Un djadja, c’est un menteur.
« Y a pas moyen » c’est une expression pour dire : ce n’est pas possible. En anglais, on dirait : No way.
J’suis pas ta catin ah Djadja
Alors, une catin, c’est un mot très vulgaire qui désigne une femme qui propose son corps à des hommes en échange d’argent. J’essaye d’expliquer ça d’une façon correcte. Elle veut en fait dire qu’elle n’est pas soumise, qu’elle n’est pas à la disposition de cet homme.
Genre en catchana baby tu dead ça
En catchana, à la base personne n’a vraiment compris ce que c’était jusqu’au moment où la chanteuse a elle-même expliqué ce que cela signifiait. Je vous laisse regarder son explication.
J’suis pas ta daronne j’te fais pas la moral
Ici, les mots « daronne » et « daron » sont une façon familière d’appeler ses parents.
Donc, une daronne, c’est une maman.
Et un daron, c’est un papa.
Tu parles sur moi, y a R, Craches encore, y a R
Alors, ici deux choses.
Y a R. C’est la lettre « r », c’est l’abrévation de « rien ». Quand on dit « Tu parles sur moi y a R », ça signifie « Tu parles sur moi y a rien ». C’est-à-dire, tu parles sur moi, mais il n’y a rien à dire sur moi. Donc, en fait ce que tu dis ce sont des paroles en l’air.
Craches encore = Cracher désigne le fait de cracher quelque chose, d’expulser de la salive de sa bouche. En anglais, c’est « to spit ». Et quand on l’utilise dans ce sens là, quand quelqu’un crache sur quelqu’un d’autre, ce n’est pas au sens littéral. Cracher veut dire en fait ici, critiquer quelqu’un par la parole.
Le jour où on se croise, faut pas tchouffer
Alors, le terme « tchouffer ». Même moi, je ne savais pas ce que cela voulait dire et j’ai dû faire des petites recherches pour trouver la définition de ce mot. Tchouffer est un terme nouchi qui est une forme d’argot présente en Côte d’Ivoire. Tchouffer veut dire tout rater, tout gâcher. Donc, le jour où on se croise, ne gâche pas tout, comporte-toi bien