La naissance du RAP :

Le rap est arrivé dans les années 80 pour tout changer. Ce style, qui fait partie de la culture hip-hop, est apparu à la fin des années 1970 dans les quartiers les plus marginaux de New York comme un dérivé du funk, et son apparition a constitué une véritable révélation dans le monde de la musique.

Pour la première fois, les rimes ont pris le dessus sur la musique urbaine et les rues sont devenues les temples d’un style qui cherchait à transmettre de manière poétique et artistique ce qui se passait dans un environnement plein de violence où la lutte contre le système était constante. De plus, le rap, bien qu’il ne le fasse pas habituellement, pouvait se passer de musique. Les MC, ou maîtres de cérémonie, comme on appelle aussi les rappeurs, pouvaient façonner leurs chansons en superposant leurs rimes sur une base musicale, aussi appelée beat, ou en les lançant simplement contre le silence.

style rap

Que signifie le mot rap ?

Il existe plusieurs théories sur la signification du mot rap. Certains d’entre eux suggèrent que le terme rap pourrait être un acronyme de Rythme et Poésie, Réciter un Poème, Révolution, Attitude et Poésie ou encore Respect et Paix ; mais d’autres suggèrent que le nom avec lequel ce style musical a été baptisé n’est qu’une appropriation du mot anglais rap, qui signifie à la fois battre et frapper et même parler, trois significations qui correspondent parfaitement à ce que nous entendons par musique rap.

Quels sont les styles de musique rap ?

Bien qu’il existe de très nombreux styles de rap, les principaux et leurs origines sont les suivantes : Boom Bap, New YorkG-Funk, CalifornieDirty South, Crunk et Trap venant du Texas, de Miami, de  Géorgie et du Tennessee.

Les pionniers du rap

Bien que le rap tel que nous le connaissons aujourd’hui soit né aux États-Unis, il est difficile d’établir un précurseur unique de ce style musical, car les griots d’Afrique de l’Ouest, les artistes soul, les DJ de radio et les poètes révolutionnaires avaient déjà commencé, bien avant les années 1980, à pratiquer l’art d’être MC.

Ainsi, le premier MC était Coke La Rock, un Américain né à El Brox en 1955, qui a commencé sa carrière musicale comme MC pour DJ Kool Herc, un immigrant jamaïcain vivant aux États-Unis et considéré comme l’inventeur du hip-hop. Cependant, il n’écrivait pas ses propres vers, de sorte que certains experts soutiennent qu’il ne peut être considéré comme le premier rappeur, mais plutôt comme l’un des précurseurs du mouvement hip-hop.

rap

Dans ce cas, parlons aussi de Melvin Grover, également né dans le Bronx, était chargé d’écrire les chansons du groupe Grandmaster Flash and the Furious Five dans les années 1980, c’est pourquoi certains experts le désignent comme le premier rappeur de l’histoire.

Enfin, il y a aussi ceux qui désignent DJ Hollywood, Kurts Blow et Grandmaster Caz comme les premiers rappeurs. Né dans le quartier de Harlem à New York en 1954, DJ Hollywood a été le premier artiste à devenir populaire sur la scène new-yorkaise et a travaillé avec plusieurs des pionniers du rap, tandis que Kurtis Blow, également originaire de Harlem, est considéré comme la première star grand public du genre et l’un des pionniers de l’industrie.

De son côté, Grandamaster Caz et son groupe, The Cold Crush Brothers, originaires du Bronx, sont particulièrement connus pour leurs harmonies, leurs mélodies et la qualité de leurs performances live, qui les distinguent et les font entrer dans l’histoire comme l’un des principaux groupes à l’origine du rap et de l’univers du hip-hop.

Les rappeurs les plus célèbres de l’histoire

Même s’ils n’étaient pas là dès le début, le fait est que l’histoire du rap ne peut être comprise sans les noms de Tupac Shakur (2pak), The Notorious B.I.G et Rakim. Ces trois artistes sont sans aucun doute les meilleurs représentants du genre, tant par leur musique que par leur impact sur la culture hip-hop et le monde underground en général.

Tupac Shakur

Qui a été assassiné à Las Vegas le 13 septembre 1996 à l’âge de 25 ans, est considéré par de nombreux MCs comme le plus grand rappeur de tous les temps. 2Pac – comme on l’appelle dans le monde du hip-hop – a été le premier à sortir un double album, a axé ses chansons principalement sur des questions sociales telles que le racisme et la drogue, et a signé des titres aussi populaires que Changes, Old School et When Thungz Cry.

tupac

Notorious B.I.G

The Notorious B.I.G., également connu sous le nom de Biggie, est également considéré comme l’un des meilleurs rappeurs à ce jour. Également victime d’un meurtre qui a eu lieu à Los Angeles, en l’occurrence en 1997 alors qu’il avait 24 ans et qui, selon certaines théories non confirmées, pourrait être lié à celui de 2pak, The Notorious B.I.G., a réussi à vendre plus de 30 millions d’exemplaires de ses albums à ce jour et à entrer dans l’histoire du hip-hop avec des chansons telles que Juicy, Big Poppa, Ten Crack Commandments et Hipnotize.

notorious big

Rakim

Le troisième sur cette liste est Rakim. Cet artiste, qui a réinventé le rap dans les années 1990 avec des rimes beaucoup plus élaborées, une cadence légèrement plus lente et un ton de voix plus égal, est également considéré comme l’un des plus grands représentants du monde du rap. Rakim, toujours actif à l’âge de 53 ans, faisait partie du duo Eric B. & Raim et avec eux, il a signé ce qui a été considéré en 2006 par MTV comme le meilleur album hip hop de tous les temps, Paid in Full.

rakim

Du rap à la trap

Sans aucun doute, l’une des plus grandes caractéristiques de l’évolution du rap a été la naissance de la trap. Dans le sud des États-Unis, au Texas, en Floride et en Géorgie, au fil des ans, le rap a été adopté par des rythmes plus lents que ceux qui allaient émerger dans des endroits comme Los Angeles ou New York.

C’est là qu’est né ce qu’on appelle le Dirty South, entre les mains d’UGK, Goodie Mob et Outkast, et ce sous-style a évolué jusqu’aux années 2000, quand est apparu ce qu’on appelle aujourd’hui internationalement la trap.

Les pionniers de la trap sont Three 6 Mafia, un groupe qui est toujours actif 21 ans après la naissance de ce sous-genre et qui, en 2006, est devenu le premier groupe afro-américain à remporter l’Oscar de la meilleure chanson pour la bande originale du film indépendant Hustle & Flow de Craig Brewer.

Mais qu’est ce que le Rap Français

En révélant la manière spécifique dont on a stigmatisé le rap en France, Karim Hammou bouleverse l’approche sociologique du genre et renouvelle l’étude du phénomène. Son archéologie, qui envisage le rap comme une forme artistique vivante et ancrée dans le social, ébrèche au passage certains mythes fondateurs.

Il y a quelques années, fleurissaient en France des t-shirts portant la mention « Produit de banlieue, matière extrêmement explosive ». Si l’histoire du rap en France proposée aujourd’hui par le sociologue Karim Hammou est si précieuse, c’est parce que le rap, en tant qu’objet de discours, reste lui-même une matière extrêmement explosive. L’auteur qualifie d’« illégitimité paradoxale » (p. 239) cette situation du rap en France : quoique bien implanté dans nos habitudes culturelles, celui-ci demeure en effet stigmatisé. Ce paradoxe invite à déplacer les termes du débat qui entoure ce genre musical, né aux États-Unis il y a quarante ans, et que la France s’est peu à peu appropriée depuis le début des années 1980. Alors que s’affrontent dans les médias les détracteurs du rap et ses défenseurs, les uns y voyant « une sous-culture d’analphabètes », tandis que les autres y saluent un admirable moyen d’expression de la frustration ressentie par les jeunes résidant en banlieue, Karim Hammou se demande si ces querelles ne cachent pas – ou ne révèlent pas – en fait un consensus.

Car ce qu’on désigne par « rap » ne se limite assurément pas à un « genre musical ». Le mot rap, explique l’auteur, a une histoire, adossée en France à ce moment charnière − situé autour de 1990 −, où la société a « [assigné] l’écoute comme la pratique du rap à une banlieue imaginaire, lieu de toutes les altérités, et fait du jeune de banlieue le stéréotype par lequel les rappeurs sont compris » (p. 12).
Loin de se placer dans la continuité de ces discours, leur empruntant leurs mots et leurs règles du jeu, Karim Hammou montre comment la société française a produit un objet nommé rap, tout en le maintenant dans une position de marginalité et d’exotisme. De telle sorte que, lorsque nous parlons de rap, nous feignons de parler d’un phénomène attaché aux marges de notre société, alors que nous parlons d’un objet qui la concerne tout entière.

Choisir une méthode diachronique permet à Karim Hammou de renouveler le discours sociologique sur le rap français en retraçant conjointement la généalogie du rap comme pratique et comme objet de discours. Ce faisant, son ouvrage amorce un renouvellement des recherches françaises sur le rap.

 

Faire du rap un objet vivant

 

Il y a quelque chose de singulier dans la méthode de Karim Hammou, moins parce qu’il mobilise des approches relevant de disciplines variées – ce qui, s’agissant d’une étude sociologique, tient presque du truisme – que par la manière dont il les combine et les articule très consciemment pour éviter certains écueils. En ce sens, le titre de son livre est à la fois engageant et potentiellement réducteur. Le lecteur qui se plongera dans l’ouvrage en croyant y trouver une histoire du rap français à la manière de L’Offensive rap d’Olivier Cachin sera déçu, car il ne relève pas d’un travail de journalisme musical qui mettrait en récit le développement de ce genre, mais d’une recherche minutieuse qui replace textes, documents audiovisuels, matériau ethnographique et autres entretiens dans un cadre historique afin de les rendre éloquents.

Karim Hammou prône ainsi une « mise en intrigue »  stratégique, à même de faire du rap un objet d’étude vivant. Le sociologue présente ainsi sa démarche, dont les modalités sont moins dictées par une prétention à l’objectivité que par des précautions méthodologiques, comme l’élaboration d’un récit possible parmi une infinité d’autres. Le découpage en trois phases (1981-1991, 1991-1998 et 1998-2012), loin d’être plaqué sur les évènements de manière systématique et réductrice, fait apparaître des variations subtiles dans les pratiques, mais aussi et surtout dans les discours qui les accompagnent. Cette attention aux métamorphoses perpétuelles des termes employés évite de travailler « à partir d’une définition a priori de ce qu’[est] le rap »  de traiter en somme l’histoire culturelle comme si ce qui a eu lieu ne pouvait se dérouler autrement − et d’échapper aux pièges d’un regard rétrospectif qui pétrifierait son objet en le réduisant aux catégories actuelles du débat. Vu sous cet angle, ce que nous appelons rap s’avère « un enjeu de conflits, de collaborations et de négociations multiples » , que nous ne pouvons saisir que comme objet en mouvement né d’une série de choix et de déplacements.

Interview Lionel D / Dee-Nasty 1990

Des sources insoupçonnées

Au-delà de ces partis-pris méthodologiques féconds, qui en font d’ores et déjà un jalon dans l’histoire des discours académiques sur le rap, comme avait pu l’être Pour une esthétique du rap de Christian Béthune (2004)l’ouvrage de Karim Hammou s’appuie sur les résultats de dix ans d’observation et de recherches. Le fait que les artistes considérés identifient ce qu’ils font comme du rap et le relient au rap américain est retenu comme seul critère de délimitation du domaine envisagé, ce qui amène le sociologue à élargir ses perspectives. Aux côtés de JoeyStarr, d’Akhenaton et de Disiz la Peste, on rencontre ainsi dans cette étude Annie Cordy, Phil Barney, Jack Lang ou encore l’animatrice Christine Bravo.

Une généalogie du rap français se devait d’examiner dans un premier temps la période allant de 1981 à 1991, durant laquelle le rap était pratiqué soit par des artistes établis du monde de la variété (Cordy, Barney), soit par des passionnés de musique noire américaine isolés comme Dee Nasty, sans être particulièrement associé aux banlieues et à leur jeunesse. Les premiers amoureux de ce genre musical ont dû composer avec les mots et les concepts de personnes qui se définissaient comme étrangères au rap, ce qui a progressivement amené ce dernier à devenir le genre emblématique des banlieues françaises et des « Français d’origine immigrée ». L’analyse d’archives audiovisuelles et d’entretiens est mise au service de cette démonstration : est par exemple étudiée une savoureuse interview de Kool Shen et JoeyStarr, du groupe NTM, par Christine Bravo en 1990 . L’animatrice cherche à y imposer aux rappeurs une lecture sociale de leur art pour le rapporter aux « problèmes des banlieues » dont les médias sont alors de plus en plus friands, alors même que les rappeurs affirment que cet art s’adresse « à n’importe qui ». À rebours des récits mythiques sur l’origine du rap, Karim Hammou mène donc une archéologie des étiquettes et des identités que charrie l’histoire du rap français.

 
 

La manière dont les artistes s’approprient à leur tour ces étiquettes nées dans les discours médiatiques et politiques est elle-même décrite dans sa complexité : « [l]es acteurs non seulement interagissent avec les définitions d’eux-mêmes qui leur sont imposées, mais y investissent aussi des intérêts qui n’étaient pas prescrits d’avance dans l’étiquette à laquelle on les rapporte » .L’opposition entre la « rue », lieu supposé de l’authenticité banlieusarde, et les multiples institutions associées à l’artificialité – pouvoirs publics, maisons de disques, structures médiatiques – est examinée comme un jeu de miroirs en constante redéfinition. L’étude du rôle joué par l’industrie du divertissement dans les balbutiements du rap en France , des stratégies commerciales des radios dans l’évolution du genre , ou encore des politiques publiques  – un sujet déjà abordé par Sylvia Faure et Marie-Carmen Garcia dans Culture hip-hop, jeunes des cités et politiques publique  bat ainsi en brèche le mythe d’un « âge d’or » du rap perverti par les institutions. Karim Hammou montre par exemple comment la maison de disques responsable du premier album de rap en français, celui de Lionel D, sorti en 1990, a joué très consciemment sur l’image du rappeur américain (grosse chaîne, grosse casquette) associée à celle du « jeune de banlieue » afin de commercialiser son produit.

Le soutien affiché au début des années 1990 par le ministère Lang au rap en tant que voie d’expression de la souffrance des banlieues, et la mise en place des politiques de la ville qui en ont résulté, ont également contribué à cette assignation géographique et identitaire . Ces choix multiples et en partie convergents expliquent la spécificité de ce que la France a fait de cette musique américaine qu’était le rap, au contraire d’autres pays, comme l’Italie, où cette appropriation ne s’est aucunement accompagnée d’une association particulière avec un groupe social ou ethnique donné. Les rappeurs, ni voix pures et authentiques des marges ni marionnettes du système, se sont coulés dans ce cadre contraint, pour tenter de s’y faire une place et de le modifier à leur tour.

 

Éléments pour une « rapologie »

Karim Hammou, docteur en sociologie, membre correspondant du Centre Norbert Élias (Marseille) et post-doctorant au CESPRA (Centre d’Études Sociologiques et Politiques Raymond Aron) de l’EHESS, s’inscrit évidemment dans la discipline d’Émile Durkheim, même si ses références sont davantage à chercher du côté d’Howard Becker et de l’École de Chicago. Pourtant, la manière dont il laisse son objet modeler sa démarche lui permet d’excéder les limites de la sociologie pour fournir de précieux éléments de réflexion critique transversale.

Karim Hammou n’est pas fondamentalement – c’est un comble ! – en désaccord avec le cri poussé par Julien Barret dans son livre Le Rap ou l’artisanat de la rime (2009) : « Assez de sociologues !». Il le reconnaît, « [l]e regard sociologique a bien souvent reconduit, avec ses outils propres, un regard journalistique surdéterminé par la volonté d’utiliser le rap comme révélateur du ‘problème des banlieues’ » (p. 7). Mais la sociologie a depuis longtemps entrepris de penser sa propre position dans la société, comme l’ont notamment montré les Méditations pascaliennes de Pierre Bourdieu : cette discipline, une fois consciente de sa propre position dans l’enchevêtrement dynamique des discours qui structurent la société et ses champs de pratiques culturelles, est toujours susceptible de renégocier cette position, ce qui peut lui permettre d’enrichir les autres disciplines – études littéraires, ethnomusicologie, philosophie esthétique – qui pouvaient prétendre dire le rap à sa place en mettant au premier plan sa dimension artistique. Plutôt que de déposséder la sociologie de l’un de ses objets sous le prétexte que son monopole valide des représentations biaisées, il convenait d’inventer un positionnement nouveau qui tire parti des outils de la discipline, tout en l’ouvrant vers les autres. L’étude du rap comme forme d’art et son étude comme phénomène social ne sont contradictoires que si la seconde asphyxie la première ; et c’est l’inverse qu’accomplit cette Histoire du rap en France. En ce sens, s’il écrit contre, on sent que Karim Hammou écrit aussi avec : son travail doit être lu conjointement à celui d’autres sociologues ayant renouvelé l’approche de cet objet, en particulier Anthony Pecqueuxet Stéphanie Molinéro, mais aussi Julien Barret − déjà cité − et Mathias Vicherat, qui adoptent plutôt une démarche littéraire.

L’archéologie sociologique effectuée ici peut offrir aux autres disciplines des outils de réflexion croisée. La manière dont les différentes « époques » et « générations » sont dépeintes par Karim Hammou met en lumière des imaginaires collectifs, des « mythologies » (au sens de Roland Barthes) qui éclairent à leur tour certains textes. L’étude du morceau « Reste underground » du groupe marseillais IAM est un exemple parfait de la manière dont la prise en compte des dimensions artistiques du rap peut nourrir la réflexion sociologique, et inversement. L’adjectif « underground » lui-même est décrit par l’auteur comme un enjeu important de la chanson, enjeu qui est mis en rapport avec des éléments d’ordre artistique comme l’énonciation, les métaphores et champs lexicaux, l’antiphrase et la prosodie. La chanson, y compris dans les détails de son contenu poétique, n’est pas l’actualisation d’une essence ou d’une identité préexistantes, elle fait, elle accomplit : l’attention à cette dimension performative du rap amène Karim Hammou à décrire « Reste underground » comme participant pleinement, en tant que chanson, aux « luttes autour des lignes et segmentations professionnelles entre artistes de rap et [au] débat collectif autour de leurs symboles communs » . De la même façon, la réflexion que mène Karim Hammou sur le lexique de la faim, tel qu’il apparaît dans le milieu du rap autour de 2002, montre comment les mots servent à affirmer, rejeter ou renforcer des oppositions symboliques qui structurent le champ. Mettre en balance le fait d’« avoir faim » et celui d’« être gavé » , c’est aussi faire exister les lignes de tension du rap en affirmant les valeurs associées à la « rue », à un moment bien précis de l’histoire de ce genre. Cette réflexion éclaire de nombreux textes de rap du nouveau millénaire, tel celui de « Machine de guerre » (2010) où Rohff affirme avoir « plus la dalle qu’un gréviste de la faim » ou celui de « Paroles et musique » (2012) de Zoxea (« tellement la haine, tellement à bout, tellement la faim »). Les mots qui se trouvent au centre de l’invention du rappeur deviennent des enjeux symboliques forts, que le travail du sociologue permet de replacer à la fois dans le contexte dynamique qui les détermine et qu’ils contribuent à façonner.

 

Les États-Unis, berceau du rap, ont inventé un champ d’études nommé Hip-hop studies, au sein duquel des chercheurs – Tricia Rose, William Jelani Cobb ou encore William Eric Perkins – adoptent une perspective interdisciplinaire pour mieux analyser leur objet commun. Ce champ de recherche s’intéresse spécifiquement aux questions d’ordre racial et sexuel, héritées des Gender Studies et autres African American Studies, florissantes sur les campus outre-Atlantique. Le livre de Karim Hammou permet d’envisager quelque chose comme des « hip-hop studies à la française », une « rapologie » – pour emprunter son titre à une compilation de 1998 devenue emblématique – dont le trait distinctif serait une attention accrue aux mécanismes concrets de production des étiquettes identitaires et des imaginaires, au-delà de l’opposition entre le contenu artistique des chansons et le contexte social qui les a vues naître. Pareil déplacement des termes du débat permet de désamorcer cette « matière extrêmement explosive » qu’est le rap ; l’étude de Karim Hammou en est la preuve : ce que le rap comme objet de discours y perd en explosivité, il le gagne en vitalité.

 

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