Here’s to you
L’été 1971, cette chanson est sur toutes les lèvres, sur toutes les radios et Joan Baez répète en boucle ces quatre vers. JUKEBOX vous décode l’histoire de Sacco et Vanzetti, deux anarchistes italiens.
JUKEBOX : Le podcast qui fait bavarder la musique
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JOAN BAEZ HERE’S TO YOU (Texto inglés/español)
Sortir ces histoires des méandres de l’oubli me passionne.
Les chansons racontent l’histoire, parfois compliquées, de leurs auteurs, notre histoire collective, celle de l’humanité.
La grande Histoire et la petite s’y mêlent.
Les chansons donnent la parole à ceux qui ne l’ont pas ou plus.
Elles parlent de lutte, d’amour, de douleur, d’espoir, elle racontent la vie, notre vie,
Une chanson, c’est d’abord une alchimie magique entre un texte et une mélodie, mais c’est aussi une passerelle entre les générations, elles se transmettent parce qu’elles sont attachées au passé et tournées vers l’avenir.
JUKEBOX : Le podcast qui fait bavarder la musique
Imaginé et réalisé par Maria Canel Ferreiro et Sami Randazzo
- Orateur #0
Jukebox, l’émission qui fait bavarder la musique….
- Orateur #1
de mon art et du rôle de l’écrit. Jukebox ! …
- Orateur #0
C’est la chanson la plus connue de John Bass en France. Here’s to you, paru en 1971 dans la bande originale du film Sacco & Vanzetti, est composé par Ennio Morricone. Les paroles sont de John Bass, enfin pas tout à fait. Quatre phrases qui tournent en boucle pendant tout le morceau. Cette chanson est un hommage aux deux anarchistes d’origine italienne, Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, condamnés à mort pour meurtre et exécutés aux États-Unis dans la nuit du 22 au 23 août 1927. Leur culpabilité reste extrêmement controversée. Les années qui suivent la Première Guerre mondiale sont des années difficiles, tant en Europe qu’aux États-Unis. Il faut reconvertir l’économie de guerre et faire face à l’inflation. Dans ce contexte, des grèves éclatent aux quatre coins des États-Unis pour réclamer de meilleurs salaires et une réduction du temps de travail. L’année 1919 est marquée par un climat social agité et de nombreux attentats anarchistes. L’anarchie étant un courant de philosophie politique anti-autoritaire, fondé sur la démocratie directe et ayant la liberté individuelle comme valeur fondamentale. Des bombes explosent chez le maire de Seattle et celui de Cleveland. Les autorités prennent des mesures de répression contre les mouvements anarchistes, mais aussi contre les communistes et les socialistes américains. Certains sont emprisonnés, d’autres contraints à l’exil. L’opinion publique amalgame les grévistes, les étrangers et les rouges. Elle se méfie des immigrés récemment arrivés qui parlent à peine l’anglais. Cette période est connue sous le nom de Red Scare, peur rouge. La révolution russe de 1917 et l’assassinat des Romanov est dans toutes les mémoires. L’affaire Sacco et Vanzetti démarre le 15 avril 1920, quand le caissier de la manufacture de chaussures Slater & Morrill et son garde du corps qui transporte la paie du personnel sont abattus à coups de revolvers par deux hommes dans la rue principale d’une petite ville du Massachusetts, à une vingtaine de kilomètres de Boston. On l’appelle le hold-up de South Braintree. Les tueurs et leurs butins, environ 16 000 dollars, montent à bord d’une Buick noire qui sera retrouvée deux jours plus tard dans un bois. A cette date, la police enquête déjà sur une affaire semblable survenue quelques mois plus tôt dans une autre petite ville du Massachusetts. Hold-up manqué celui-là n’ayant pas entraîné de mort, mais également opéré contre une fabrique de chaussures par un gang motorisé. C’est le hold-up de Bridgewater. Dans les deux cas, la police estime que les auteurs des agressions ne peuvent être que des professionnels. Mais certains témoins affirment avoir reconnu des Italiens. Sur base de ces témoignages, l’enquête se dirige vers plusieurs anarchistes d’origine italienne, et notamment Mario Boda, propriétaire d’une voiture, et trois de ses amis, Orsiani, Sacco et Vanzetti. 1920, la police arrête Zacco et Vanzetti. Le lendemain, Orsiani. Mais Orsiani a un solide alibi. Il a pointé à l’usine à la date des deux hold-up. Il est donc relâché. La police ne parvient pas à mettre la main sur Boda. Mais ils ont deux suspects, alors pourquoi se fatiguer ? Zacco et Vanzetti détiennent bien des armes à feu. Ils ont un casier judiciaire vierge, mais ils parlent et comprennent à peine l’anglais. Ils comprennent mal les questions des enquêteurs, ils se contredisent et mentent parce qu’ils sont militants actifs du mouvement anarchiste, ce mouvement qui subit depuis des mois une répression féroce. Mais les enquêteurs vont y voir la preuve de leur culpabilité. Toutes les autres pistes prometteuses sont abandonnées. On colle la culpabilité des deux hold-up à Sacco et Vanzetti. Le premier procès dans le cadre du hold-up raté débute en juin 1920 à Plymouth. Des témoins à charge qui ont vu le braquage de loin affirment avoir reconnu des Italiens, notamment l’un portant une grosse moustache comme celle de Vanzetti. Et l’on discute longuement de la longueur et de l’épaisseur de la moustache. En août 1920, Vanzetti est condamné pour tentative de vol à main armée dans le premier braquage à 15 ans de prison. Sarko a prouvé qu’il avait pointé à l’usine ce jour-là. En septembre 1920, alors qu’ils sont tous deux en prison et attendent le procès du deuxième hold-up, les bureaux de la banque Morgan à Wall Street sont soufflés par un attentat qui fait 38 morts et plus de 200 blessés. Cet événement va agiter l’opinion publique qui va réclamer vengeance. Le procès du deuxième braquage s’ouvre en mai 1921 et met surtout en scène L’expertise balistique, encore balbutiante à cette époque. En juillet 1921, le procès se referme sur Nicolas Hébart. Le verdict est fortement influencé par l’attentat de Wall Street. Il condamne Sacco, l’Italien du Sud, et Vanzetti, l’Italien du Nord, à la peine capitale pour le hold-up de South Braintree, malgré l’absence de preuves formelles. Le juge Tailleur, contrairement aux usages, a obtenu de juger les deux affaires. Et il est connu. pour ses positions xénophobes. Non ! Avant l’ouverture de ce procès, les milieux révolutionnaires italo-américains ont déjà entamé auprès de l’opinion américaine et internationale une campagne médiatique destinée à dénoncer le climat de chasse aux sorcières qui entoure l’instruction de l’affaire et proclame l’innocence des deux militants libertaires. Toute la planète va s’embraser autour de cette affaire et cette mobilisation va durer jusqu’à leur exécution en 1927. Pendant six longues années, les deux hommes vont attendre la décision sur la révision de leur procès. La révolte et le désespoir, accentués par une longue grève de la faim, conduisant Nicolas au bord de la folie, tandis que Barthes trouve une consolation dans la lecture et l’écriture. La demande de révision du procès est rejetée par la Cour suprême du Massachusetts. Les seules alternatives qui demeurent sont la grâce ou la mort, et le gouverneur rejette la grâce. Les jours qui précèdent l’exécution, des manifestations de rue ont lieu partout dans le monde, y compris dans la plupart des grandes villes américaines. Boston, au moment où les deux hommes sont conduits en salle d’exécution, est le théâtre de centaines d’arrestations de manifestants. Ces deux hommes sont déjà devenus des mythes. Voilà comment la psychose de l’invasion explique l’acharnement déployé pendant 7 ans par des individus civilisés et fils des idéaux de la démocratie pour envoyer deux hommes à la chaise électrique en visant des hommes issus de la nouvelle immigration, l’immigration rurale de l’Est et du Sud, qui avait pris le pas, dans le courant des années 1880, sur l’immigration anglo-saxonne, l’immigration noble, nordique. 50 ans plus tard, En 1977, le jour anniversaire de leur double exécution, un autre gouverneur du Massachusetts, Michael Doukakis, fils d’immigrés grecs, va invalider sur la forme le jugement de Sacco et Vanzetti. Il déclarera J’invite à cette occasion le peuple du Massachusetts à réfléchir à ces événements tragiques, à en tirer le courage de s’opposer aux forces de l’intolérance, de la peur, de la haine et à s’unir pour faire triompher la raison La sagesse et l’impartialité auxquelles aspire notre système judiciaire. Deux historiens américains, William Young et David Kayser, reprendront l’enquête à zéro en s’appuyant sur les technologies Récente, ils vont établir de manière à peu près irréfutable l’innocence de Sacco et Vanzetti. Leur enquête a donné lieu à un livre paru en 1985 intitulé Post-mortem. Cette affaire est le meilleur argument contre la peine de mort. Voilà pourquoi il faut abolir la peine de mort partout dans le monde. Voilà pourquoi il ne faut pas la rétablir quand elle a été abolie, même pour les meurtriers d’enfants, et même pour les violeurs récidivistes, et même pour le meurtrier de votre enfant. Parce que la justice se trompe, que ses erreurs sont irréversibles et que quand elles se trompent, c’est la société tout entière qui assassine. J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République,
- Orateur #1
de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France.
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Quant au texte de la chanson de John Bass, il est inspiré par les mots d’une lettre que Bartolomeo Vanzetti adressera au juge Tailleur, l’homme qu’il a jugé et fait condamné par deux fois. Si cette chose n’était pas arrivée, j’aurais passé toute ma vie à parler au coin des rues à des hommes méprisants. J’aurais pu mourir inconnu, ignoré, enraté. Ceci est notre carrière et notre triomphe. Jamais dans toute notre vie, nous n’aurions pu espérer faire pour la tolérance, pour la justice, pour la compréhension mutuelle des hommes, ce que nous faisons aujourd’hui par hasard. Nos paroles. Nos vies, nos souffrances ne sont rien. Mais qu’on nous prenne nos vies, vie d’un bon cordonnier et d’un pauvre vendeur de poissons. C’est cela qui est tout. Ce dernier moment est le nôtre.
- Orateur #1
Cette agonie est notre triomphe.
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Aux Etats-Unis, cette chanson deviendra un hymne du mouvement pour les droits civiques des années 70. Ennio Morricone recevra un Astro d’Argento, le ruban d’argent, en 1971 pour l’ensemble de sa musique pour le film Sacco e Vanzetti. On chantera cette chanson dans toutes les langues et Georges Moustaki chantera la version française.
- Orateur #1
Maintenant, Nicolas est bas, vous dormez au fond de nos cœurs. Vous étiez seul dans la mort, mais par ailleurs vous venez maintenant, Nicolas.
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Je vous embrasse et je vous dis à bientôt sur Jumbox !