Jukebox, l’émission qui fait bavarder la musique.

Les arbres du sud portent des fruits étranges L’eau sur les lèvres et l’eau à la route Les corps noirs s’éloignent dans la pluie du sud En août 1930,

dans le comté de Grant en Indiana, trois jeunes noirs, Thomas, Abraham et James, tuent un blanc au cours d’une tentative de vol. L’un d’eux, James, s’enfuit avant que l’homme ne soit tué. La même nuit, les trois jeunes sont rattrapés et arrêtés. Une foule fait irruption dans la prison où ils sont détenus. Thomas et Abraham sont pendus à un arbre sur la place du palais de justice du comté par des lyncheurs auxquels se mêlent des policiers. On passe également un nœud coulant autour du cou de James. Mais avant qu’on ne le pende, la voix d’une femme s’élève dans la foule pour prendre sa défense et assure de son innocence. Un footballeur de l’université de l’Indiana, petite star locale, intervient et retire la corde du cou de James, affirmant que celui-ci mérite un procès équitable. Il escorte James jusqu’à la prison. qui aura ainsi la vie sauve.

James sera reconnu coupable de complicité des faits en 1931 et purgera 4 ans de prison. Ce James sauvé in extremis de la pendaison s’appelle James Cameron, homonyme du réalisateur. Il deviendra un farouche activiste en faveur des droits civiques. En 1991, James sera gracié par l’état de l’Indiana des faits pour lesquels il a été condamné. 70 ans plus tôt. Mais revenons au lynchage de Thomas et Abraham. Un photographe local assiste au lynchage des deux adolescents et prend une photographie des garçons pendus à l’arbre, entourés de la foule galvanisée par le lynchage. Il imprime et vend des milliers de copies de sa photo, dont un exemplaire tombera entre les mains d’Abel Miropol, un jeune professeur de lycée. Cette photographie lui fera perdre le sommeil et écrire « Les arbres du sud portent des fruits étranges, sang sur les feuilles et sang à la racine. Corps noir se balançant dans la brise du sud, fruits étranges suspendus au peuplier. »

Hop le tree, sun

En mars 1939, Abel Miropol propose à Billy Holiday d’interpréter ce court poème qu’il a écrit et mis en musique. Son titre est Strange Fruit. Après une longue hésitation, Billy Holiday accepte de prêter sa voix au texte de Miropol. Strange Fruit devient la chanson phare du répertoire de Billy Holiday. Cette chanson déchaîne tellement de passion que la… Columbia Records refuse de l’enregistrer. La chanteuse s’adresse alors à la Commodore Records, une petite compagnie politiquement à gauche. Le 20 avril 1939, le titre est enregistré et connaît un succès immédiat. Mais malgré ce succès commercial, l’enregistrement passe très peu sur les ondes.

La chanson dérange. Billy prend l’habitude d’interpréter ce morceau pour clore son tour de chant. Avant de chanter « Strange Fruit » , elle demande le silence et toutes les lumières s’éteignent, toutes sauf un spot braqué sur elle. Elle garde les yeux fermés pendant toute l’introduction, puis elle articule lentement les paroles, donnant à chaque mot le poids nécessaire avant de conclure la chanson comme un cri, puis de baisser la tête avant l’obscurité complète.

Aaaaaah !

Lorsqu’on rétablit la lumière, la scène est vide. Quand Billy chante Strange Fruit, on a l’impression d’être au pied de l’arbre. Billie Holiday interprète pour la première fois cette chanson en 1939, alors que trois lynchages ont déjà eu lieu cette année-là. A l’époque, il faut savoir que 6 blancs sur 10 sont favorables à cette pratique. Pour le mouvement des droits civiques, Strange Fruit a eu un effet comparable au refus de Rosa Parks de céder sa place à un blanc dans un bus de Montgomery le 1er décembre 1955. Selon Angela Davis, Strange Fruit a relancé la tradition de la résistance et de la protestation par la musique. Peu d’autres chansons sont aussi intimement liées au combat politique des Noirs pour l’égalité.

A Mobile, en Alabama, Billie Holiday sera chassée de la ville pour avoir essayé d’entonner ce morceau sur scène. La BBC et les radios aux Etats-Unis refuseront de diffuser la chanson et elle sera officiellement interdite sur les ondes sud-africaines pendant l’apartheid. Billy disait que cette chanson permettait de faire le tri entre les gens bien et les crétins. Alors qu’en 1939, le Time Magazine qualifiait le morceau Strange Fruit de musique de propagande, le même magazine hisse ce titre 60 ans plus tard au rang de meilleure chanson du siècle. En 2021, le magazine américain Rolling Stone classe Strange Fruit en 21e position dans sa liste des 500 plus grandes chansons de tous les temps. En 1958, elle enregistrera deux de ses plus beaux albums, Lady in Satin et Billie Holiday, avant de succomber des suites d’une chirose,

Billie Holiday avait 44 ans.

Une véritable légende de la musique. Voilà, vous n’écouterez plus jamais ces chansons de la même manière à présent. Rejoignez-moi sur Facebook, mon profil porte mon nom, Maria Canel Ferrero. N’oubliez pas de partager ce podcast autour de vous, de vous abonner à ma chaîne. Je vous embrasse et je vous retrouve tout bientôt en musique sur

Jokebox. Je sais que je me fais de mon art et du rôle de l’écrivain.

Du noooob !